Nouvelle précision sur l'appréciation de la proportionnalité du cautionnement
La Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu le 21 novembre dernier un arrêt particulièrement complet sur les divers arguments qui peuvent soulevés par les cautions pour tenter de se libérer de leurs cautionnements, ou à tout le moins de limiter le montant de ce qui est dû.
Parmi les différents points abordés, un retient particulièrement l'attention (les autres étant soit des solutions déjà acquises en jurisprudence, soit des problématiques liées à la motivation de l'arrêt d'appel examiné).
Il concerne l'appréciation de la proportionnalité du cautionnement souscrit par une personne physique au bénéfice d'une personne morale.
Pour mémoire, l'article L 332-1 du Code de la consommation (L 341-4 ancien) dispose qu':
« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».
Une fois le principe posé, il reste à l'appliquer.
Or, pour ce faire, il faut être en mesure d'apprécier le caractère disproportionné ou non du cautionnement souscrit.
A cet égard, il convient de rappeler que l'on doit se placer au jour de la souscription de l'engagement de caution.
En d'autres termes, c'est par rapport au patrimoine et aux revenus de la caution à cette date que se fera l'appréciation.
On sait par exemple que si la caution es propriétaire d'un bien immobilier, c'est la valeur nette de ce bien à la date de souscription du cautionnement qu'il faut prendre en compte (soit pour faire simple, la valeur du bien immobilier diminuée du capital du prêt restant dû au titre du financement de l'acquisition du bien).
De même, il est depuis longtemps admis que les engagements de caution précédemment souscrits par la caution doivent être également pris en compte comme « passif » de la caution ; la solution est logique dans la mesure où ces engagements ne sont pas nécessairement exigibles au jour de prise du cautionnement, mais pourraient être amenés à le devenir.
Mais doit-on prendre en compte un cautionnement qui a été postérieurement annulé ?
La Cour de cassation répond par la négative :
« Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. Y... fait encore grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir juger le cautionnement du 20 juillet 2011 disproportionné alors, selon le moyen, que la disproportion d'un cautionnement doit s'apprécier en considération de tous les engagements souscrits par la caution envers le créancier, même s'ils ne sont pas mentionnés dans la fiche de renseignement complétée par la caution ; qu'en appréciant le caractère disproportionné de l'engagement de caution souscrit par M. Y... le 20 juillet 2011 au jour de sa conclusion au regard des seules informations communiquées par la caution dans la fiche de renseignement fournie par la société Banque Tarneaud, sans tenir compte, comme elle y était invitée, du précédent cautionnement souscrit par M. Y... le 3 avril 2009 au profit de la même banque, qui ne pouvait prétendre en ignorer l'existence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause ;
Mais attendu que, si la disproportion doit être appréciée en prenant en considération l'endettement global de la caution, y compris celui résultant d'autres engagements de caution, il ne peut être tenu compte d'un cautionnement antérieur que le juge déclare nul, et qui est ainsi anéanti rétroactivement ; qu'ayant annulé le cautionnement du 3 avril 2009, la cour d'appel n'avait pas à le prendre en compte pour apprécier le caractère manifestement disproportionné de celui du 20 juillet 2011 ; que le moyen n'est pas fondé ».
(Cass. Com. 21 novembre 2018, pourvoi n°16-25128)
La Cour estime ainsi que compte tenu de l'effet rétroactif de l'annulation du cautionnement antérieur, il n'y a pas lieu de prendre en considération un engagement qui n'a juridiquement jamais existé.
D'un point de vue strictement juridique, une telle solution semble parfaitement fondée quant aux effets de la nullité d'un acte.
Cependant, la solution semble peu opportune.
En effet, il paraît difficile d'apprécier le patrimoine de la caution à la date du cautionnement considéré en ne prenant pas en compte un cautionnement qui, à cet instant, n'a pas été annulé.
Il apparaît plutôt que la Cour estime qu'il faille apprécier la proportionnalité du cautionnement au moment de sa souscription, mais en tenant compte d'événements qui se sont produits postérieurement... ce qui au jour de l'engagement relève de l'art divinatoire.
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