Cautionnement et appréciation de la disproportion manifeste de l'engagement
L'article L 332-1 du Code de la consommation (anciennement L 314-4) dispose :
« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».
Le principe est simple.
Le professionnel (établissement bancaire, bailleur, etc.) bénéficiaire d'un cautionnement peut perdre le bénéfice de cette sûreté si la caution prouve qu'au jour de la conclusion de l'engagement ses biens et revenus étaient insuffisants pour faire face au règlement de la créance garantie.
Il s'agit en pratique de faire le « bilan », au jour de la signature du cautionnement, entre le montant garanti, qui est donc potentiellement dû par la caution, et son patrimoine.
S'il apparaît que la créance garantie est manifestement disproportionnée (soit trop importante) par rapport aux capacités de paiement de la caution (dans l'hypothèse où elle réaliserait son patrimoine), le cautionnement peut être déclaré inopposable à cette dernière.
Il s'agit en pratique d'un argument fréquemment invoqué par les cautions poursuivies en paiement.
De fait, la jurisprudence relative à la disproportion, et notamment à l'appréciation de cette disproportion, est très abondante.
La Cour de cassation vient récemment de préciser un peu plus les critères permettant d'apprécier le caractère proportionné ou non d'un engagement de caution.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation a ainsi jugé le 5 septembre 2018 :
« Mais attendu que l'arrêt énonce à bon droit que, si ne peuvent être pris en considération les revenus escomptés de l'opération garantie pour apprécier la disproportion du cautionnement au moment où il a été souscrit, il doit, en revanche, être tenu compte des revenus réguliers perçus par la caution jusqu'à la date de son engagement, quand bien même ceux-ci proviendraient de la société dont les engagements sont garantis par le cautionnement ; que le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé ».
(Cass. Com. 5 septembre 2018, pourvoi n°16-25185)
La première partie de l'attendu de la Cour rappelle une solution désormais fermement acquise en jurisprudence : il ne faut pas prendre en considération les revenus escomptés de l'opération garantie pour apprécier la disproportion du cautionnement.
(en ce sens : Cass. Com. 3 juin 2015, pourvoi n°14-13126, Cass. Com. 18 janvier 2017, pourvoi n° 14-20574)
L'apport de cet arrêt réside dans la seconde partie de l'attendu de la Cour.
La chambre commerciale indique en effet qu'il faut tenir compte des revenus réguliers perçus par la caution jusqu'à la date de son engagement, quand bien même ceux-ci proviendraient de la société dont les engagements sont garantis par le cautionnement.
Il faut donc se placer au jour de de la souscription de l'engagement pour apprécier la capacité de la caution à faire face à son obligation même si ces revenus sont versés par la société qui sera débitrice de l'obligation principale.
La solution n'est pas exempte de critiques dès lors que par hypothèse la société cautionnée sera en difficulté au moment où la caution sera appelée en paiement, privant sans doute celle-ci des revenus pris en compte pour apprécier sa capacité de paiement.
Il faut cependant admettre qu'une solution contraire aurait sans doute pour effet de rendre un grand nombre de cautionnements passés inopposables, et n'inciterait guère les créanciers (et notamment les établissements bancaires) à accorder leurs concours.
L'apport réel de cet arrêt réside dans le fait que les revenus à prendre en compte devraient être réguliers.
A contrario, les revenus occasionnels ou circonstanciels ne devraient pas être pris en considération.
Cette précision appelle donc une analyse encore affinée de la situation patrimoniale de la caution pour apprécier le caractère proportionné ou non de l'engagement.
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