Cautionnement disproportionné et date d'appréciation du patrimoine
L’article L 332-1 (anciennement L 341-4) du Code de la consommation dispose :
« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».
Ces dispositions prévoient que si l'engagement de la caution d'une personne physique est disproportionné au moment où le cautionnement est souscrit, celui-ci est inopposable à la caution.
Toutefois, cette inopposabilité n'est pas absolue.
Ainsi, l'article L 332-1 du Code de la consommation prévoit que si au moment où la caution est appelée en paiement elle est en mesure de faire face aux obligations résultant de son engagement, alors elle doit sa garantie.
Ceci étant, quelle date doit-on retenir pour apprécier si la caution est revenue à « meilleure fortune » ?
La Cour de cassation, dans un arrêt du 9 juillet 2019, nous donne sa réponse :
« Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Arkea banque entreprises et institutionnels (la banque) a consenti à la société H2D domus une autorisation de découvert en compte courant d'un montant de 100 000 euros et un prêt d'un montant de 200 000 euros ; que, par des actes des 19 et 20 avril 2011, MM. Q... et X... C... se sont, chacun, rendus cautions personnelles et solidaires du découvert en compte et du prêt, respectivement, dans la limite de 100 000 euros et de 50 000 euros ; que la société H2D domus ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné, le 2 août 2014, MM. Q... et X... C... en exécution de leurs engagements ; qu'au cours de l'instance devant les premiers juges, la banque s'est désistée de son action en ce qu'elle était dirigée contre M. Q... C... après avoir reçu de sa part un paiement de 132 917,88 euros ; qu'à la suite de ce paiement, la banque a limité sa demande contre M. X... C... à 50 000 euros ; que ce dernier lui a opposé la disproportion de son engagement ;
Attendu que pour condamner M. X... C... à payer à la banque la somme de 50 000 euros, après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, qu'il disposait d'un patrimoine immobilier évalué à 162 500 euros, au jour de la mise en œuvre de son engagement de caution, et, que deux de ses engagements de caution antérieurement souscrits au bénéfice de la société HSBC avaient fait l'objet de jugements datés du 25 septembre 2015 déniant à cette société le droit de s'en prévaloir, l'arrêt en déduit que M. C... est en mesure de faire face à son engagement, réduit en cours d'instance à la somme de 50 000 euros ;
Qu'en statuant ainsi, alors que pour apprécier si le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée, le juge doit se placer au jour où la caution est assignée, soit en l'espèce le 2 août 2014, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE ».
(Cass. Com. 9 juillet 2019, pourvoi n° 17-31346)
La Cour d'appel de Versailles avait en l'espèce estimé qu'une caution était bien tenue par son engagement dès lors que si celui-ci était manifestement disproportionné au jour de sa souscription, la caution était désormais en mesure de faire face à son obligation de couverture suite à la déclaration d’inopposabilité de deux cautionnements antérieurs par jugements du 25 septembre 2015.
Il apparaît que a Cour d'appel de Versailles avait estimé que la date à laquelle le cautionnement a été appelé au sens des dispositions de l'article L 332-1 du Code de la consommation était celle où le jugement ou l'arrêt est rendu.
La Cour de cassation censure ce raisonnement en considérant que la date à laquelle la caution est appelée en paiement au sens de dispositions précitées est celle du jour où l'assignation en paiement est délivrée à la caution.
Il s'agit d'une précision particulièrement utile pour le praticien dans la mesure où les procédures judiciaires peuvent être longues et que la situation des cautions peut grandement évoluer entre temps.
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